Edition Spéciale Prague : Alice - Jan Svankmajer
Vous pouvez oublier les couleurs pastel, les jolies chenilles bleutées, les « Joyeux non-anniversaire » et les mignons lapins blancs : on est loin, très loin de la version de Disney :D.
Là on joue plutôt dans le domaine du stop motion avec animaux empaillés. Et ce n'est pas une métaphore. Le film est vraiment étrange, voire dérangeant.
J'ai l'habitude des films un peu chelou et de suivre les "délires" des réalisateurs, alors, ça ne m'a pas dérangée, au contraire : j'ai beaucoup aimé. Mais je tiens à préciser que mon copain n'a pas tenu jusqu'à la fin. Du coup pour vous rendre bien compte du genre de réactions antagonistes que ce film peut susciter, en parallèle de mon avis, je vous mettrais ses commentaires, en rouge. La Luciole timbrée face aux commentaires d'une personne (presque) sensée. :p C'est parti !
Alice est une petite fille qui s'ennuie dans sa grande maison. Son lapin blanc empaillé s'est enfui de sa vitrine, elle s'empresse de le suivre. Ca commence comme une adaptation d'Alice normale.
Ou presque.
Pas de doute à avoir, dès le début le film nous met dans l'ambiance. A noter que j'étais tellement dans l'optique de : ce qu'on voit n'est qu'une forme de représentation, ce n'est pas vraiment réel, que je pensais que le lapin était réel. En fait non, dans l'histoire du film non plus ce n'est pas un vrai lapin.
Le fameux lapin blanc d'Alice est donc empaillé et animé en stop motion. Il mange de la sciure et a une passion pour les tiroirs (ce que je n'ai pas compris d'ailleurs). Il se balade avec une paire de ciseaux à la ceinture et range sa montre dans euh … son ventre, au milieu de la sciure qui le compose (ben oui il est empaillé). Alice a la fâcheuse tendance à goûter tout ce qui lui tombe sous la main. Y compris la sciure du lapin.
- « Elle est affamée cette petite, donnez-lui à manger! »
- Oui, mais Si on y réfléchit deux secondes dans la version originale, Alice mange et boit des trucs indéfinis simplement parce qu'on lui dit de le faire. C'est pas très malin de sa part. Alors que là vu qu'elle goûte tout, c'est logique du coup :D Continuons ???
Quand Alice rétrécit, elle se transforme en poupée en procelaine. Et après il y a les sbires-squelettes du lapin qui arrivent.
Je pense que ce petit paragraphe vous a donné un bon aperçu du style :D
Autant vous dire que ça peut être assez perturbant, mais on va partir du principe que ce point-là est normal. Sinon on s'arrête à ça, et ce serait dommage. Oublions le côté "creepy".
J'attendais avec impatience de voir le Pays des Merveilles que je n'avais pas aperçu dans les extraits que j'avais vu. Eh bien … il n'y a pas vraiment de Pays des Merveilles, vous vous en doutez.
Dans l'histoire de Lewis Caroll, Alice se réveille à la fin : ce n'était qu'un rêve (ou peut-être plus, mais en tout cas, elle dormait). Jan Svankmajer prend cette idée au pied de la lettre : on retrouve dans le « voyage » d'Alice des éléments de son univers quotidien : le lapin, sa poupée, ses peluches, ses cartes, ses chaussettes, les bocaux du garde-manger plein de… Ah pardon, j'avais dit qu'on ne relevait plus les éléments creepy …
- « Ben oui, une conserve de blattes, pourquoi j'avais pas deviné ? »
- J'ai dit : on ne relève plus les éléments creepy !
Bref, pour le rêve je ne sais pas, mais j'ai vraiment eu l'impression de voir Alice jouer, avec des choses étranges certes :
« ça c'est censé être la chenille ??! »
mais c'est la seule adaptation que j'ai vue qui mettait vraiment en scène le fait que tout sort de l'imagination d'Alice. Elle évolue dans sa propre maison, avec ses propres objets. C'est sa voix à elle pour tous les personnages, seule l'intonation change selon les personnages, comme le font les enfants qui jouent.
Ca donne un peu l'impression d'être de l'autre côté de la barrière (ou plutôt de l'autre côté du miroir, pour rester dans l'univers d'Alice). D'habitude on nous montre tout par la perception d'Alice, là on nous montre ce qui pourrait se passer vraiment... Et forcément c'est un peu glauque « Forcément, quand je me retourne, il crache ses dents! ».
Une façon un peu différente de voir ce film, mais pas moins intéressante : c'est peut-être vraiment la perception d'Alice et dans ce cas elle a vraiment un grain.
Bon, dans tous les cas elle a un grain... C'est flagrant à la fin dont j'ai envie de vous parler un peu, sans spoiler bien sûr.
Je me demandais comment le film allait gérer la fin. J'ai été déçue qu'Alice se réveille comme dans l'oeuvre originale, j'avais envie que tout soit réel. (La meuf vraiment louche, je sais :D) Mais la toute fin a su me surprendre malgré tout, elle m'a vraiment donné à réfléchir , et c'est peut-être ce qui m'a le plus perturbée de tout le film.
Je ne vais pas plus m'épancher, mais je trouve qu'Alice de Svankmajer est une adaptation d'Alice au Pays des Merveilles vraiment intéressante. Elle propose une manière singulière de voir l'oeuvre sans pour autant dénaturer l'originale. Le livre est suffisamment tordu pour permettre ce genre d'adaptationun peu trash, et je trouve ça génial.
Alors forcément, la forme peut être dérangeante …
- « C'est horrible ! Horrible … ! »
- Mais si on arrive à dépasser cet a apriori, on peut vraiment l'apprécier et découvrir quelque chose qu'on n'a pas l'habitude de voir.
- « Si je peux donner un conseil, il faut pas voir ce film avant d'aller dormir »
- Bon peut-être, mais dans l'après-midi, c'est très bien. Et en tout cas ce n'est pas un film qui laisse indifférent ;)