Edition Spéciale Prague : Le Procès - Franz Kafka, Orson Welles

Publié le par Morgana et La Luciole

Edition Spéciale Prague : Le Procès - Franz Kafka, Orson Welles

Il était impossible de faire une Edition Spéciale Prague sans parler de Kafka … Même la bannière de l'édition spéciale est à son effigie. On a hésité avec Kundera, mais c'est finalement ce cher Franz qui a gagné la bataille, et on n'allait pas parler de tous les classiques tchèques quand même :p

Franz Kafka ouvrira donc les festivités (et quelles festivités !:D) avec ce binôme sur Le Procès, et son adaptation du même nom réalisée par Orson Welles. (des œuvres qui sentent bon les vacances :D)

Nous avons un peu de mal à commencer cet article. Déjà parce que le départ pour Prague est demain (à l'heure où on écrit l'article) et qu'on commence à être pas mal excitées, en plus le voisin doit venir de rompre avec l'amour de sa vie car il passe la même chanson d'amour en boucle depuis 30 minutes, pas facile pour se concentrer (non, n'insistez pas, on ne connait pas le titre de la chanson en question, et au moment où on a voulu utiliser Shazam, la musique s'est interrompue:( ), du coup on est obligé de boire pour supporter, et parler de Kafka devient quasiment impossible *

*l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération :p

 

Non en vrai, on a du mal à commencer cet article certes, mais c'est surtout car ce sont deux auteurs magistraux et archi reconnus, c'est toujours difficile de donner son avis sur de telles œuvres surtout quand on s'appelle Morgana et la Luciole :D

Mais c'est parti ! Faute de vous faire une grande thèse (car ce n'est pas le but de l'article, et que de toute façon on n'en serait pas capables ..:D), on va vous parler de ce qu'on en a pensé de manière plus personnelle. Morgana vous donne son avis sur le livre, et la Luciole sur l'adaptation cinématographique.

 

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Le jour de son arrestation, K. ouvre la porte de sa chambre pour s'informer de son petit-déjeuner et amorce ainsi une dynamique du questionnement qui s'appuie, tout au long du roman, sur cette métaphore de la porte. Accusé d'une faute qu'il ignore par des juges qu'il ne voit jamais et conformément à des lois que personne ne peut lui enseigner, il va pousser un nombre ahurissant de portes pour tenter de démêler la situation. À mesure que le procès prend de l'ampleur dans sa vie, chaque porte ouverte constitue une fermeture plus aliénante sur le monde de la procédure judiciaire, véritable source d'enfermement et de claustrophobie. L'instruction suit son cours sur environ un an durant lequel l'absence d'événements est vue uniquement à travers les yeux de K.

 

Le livre, l'avis de Morgana

Le Procès, de Franz Kafka, 1925

 

 

 

Quand la Luciole m'a proposé le binôme sur Le Procès, j'ai immédiatement accepté. Limite j'aurais fait un jeté de confettis accompagné d'une fanfare. Depuis le temps que je voulais découvrir une œuvre de Kafka ! La flemme qui me retenait n'avait qu'à bien se tenir (j'avais quand même conscience que ça n'allait pas être la même chose que Martine à la plage).

 

Après cette lecture, j'avoue que je suis fascinée. Cette œuvre est tellement dense ! Je comprends qu'on puisse la trouver hermétique, j'ai même entendu qu'on avait trouvé qu'elle « avait mal vieilli ». Pour ma part, je lui trouve au contraire un côté très intemporel. Les questions traitées, on peut encore se les poser aujourd'hui. Le livre a été interprété de manières très différentes à ce que j'ai compris : certains ont mis l'accent sur le côté « historique », avec l'arrestation matinale qui peut faire penser au contexte politique du pays à ce moment-là, d'autres accentuent les questionnements sur des sujets tels que la liberté, l'individu, la loi, le côté absurde de l'existence, la subjectivité, etc.

 

C'est le genre de bouquin où j'ai l'impression que l'on verra quelque chose de différent à chaque lecture. Mais, dans mon cas, y-aura-t-il de prochaines lectures du Procès ? J'ai trouvé ça passionnant, unique, dense (blablabla...), mais qu'en est-il de mon plaisir de lecture ? Parce que, par exemple, je trouve l’œuvre de Kant passionnante, mais il faut limite me mettre un flingue sur la tempe pour que je m'y plonge tant c'est juste épuisant, voyez-vous :D

Concernant Le Procès, là aussi, dans le genre épuisant, c'était pas mal ! Ma lecture s'est déroulée en trois temps : le début, que j'ai lu très rapidement. Les premiers chapitres comportent pas mal de dialogues, je les ai lus vite, la découverte de l'écriture de Kafka m'incitait à tourner rapidement les pages. Et puis, bordayl, de quoi il était accusé, ce Monsieur K. ? :D

Puis les chapitres m'ont parus devenir plus difficiles à lire. Quand il y avait des dialogues, les répliques pouvaient prendre plusieurs pages à elles toutes seules, j'avais l'impression que j'aurais pu relire 10 fois un même paragraphe sans avoir tout saisi. Bref, c'était le creux de la vague (j'essaye de caser la plage dans cet article, mais l'ambiance estivale peine à se faire une place, malgré mes efforts désespérés :D).

Enfin, c'est doucement remonté, jusqu'au chapitre de la cathédrale. Ce chapitre, les amis, c'est juste un truc de fou. J'ai eu l'impression que tout le livre était comme expliqué là-dedans. Il s'y trouve la fameuse parabole avec l'homme qui veut « entrer dans la Loi » mais en est empêché par la sentinelle plantée devant. Ce chapitre-là, je sais que je le relirai. Le reste, je ne sais pas, c'est tout à fait possible, mais je me vois plutôt redécouvrir le livre par morceau, pour profiter de chacun.

Chaque chapitre est finalement assez indépendant. La chronologie est assez spéciale. On sent l'avancée claire de K. qui cherche à prouver son innocence d'une faute dont il ne connaît même pas la nature (simple). Toutes ces parties concernent un nouvel aspect de la société représentée par des personnages très précis : le juge, l'avocat, les administratifs, le religieux, et les femmes... ah, les femmes. Il y en a un paquet, et il y aurait eu de quoi psychanalyser ce bon vieux Kafka, que je soupçonne d'avoir eu un sacré problème avec la gent féminine. :D En tout cas, voir ce pauvre K. se dépatouiller avec tous les personnages féminins étaient l'un des aspects les plus divertissants du livre. A chaque fois qu'une nouvelle arrivait, je ne pouvais m'empêcher de me demander quelles misères ce pauvre K. allait connaître maintenant, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a du mal à pécho :D Mais c'est presque là son moindre problème, j'ai envie de dire.

Bref... comment j'ai fait pour en arriver à parler de ça alors qu'il est question d'une œuvre aussi magistrale que le procès, hein ?

 

Ce qui est intrigant aussi, c'est que l'auteur n'avait pas prévu de faire publier ce livre, la publication a été posthume. Du coup, ça me fait me poser des questions : pourquoi le considérait-il non propre à être publié ?

 

En tout cas, c'est dans une ambiance très particulière que nous plonge ce livre. C'est absurde, c'est fou, mais à la fois très lucide et ça à incite à réfléchir. K. passe son temps à (se) poser des questions sans vraiment obtenir de réponses (du moins sans les saisir ?), il est embarqué dans une spirale infernale dans laquelle il semble presque s'être embarqué tout seul. Moi aussi, j'avais l'impression de chercher ces réponses avec lui. Sauf qu'au final, j'en suis venue à même m'interroger sur « pourquoi K. se pose ces questions ? ». C'est vrai, on dirait presque qu'il se crée ses problèmes tout seul, ce personnage. Oui, ça devenait très compliqué :D L’œuvre doit être passionnante à étudier, j'aurais adoré le faire (mais ce ne fut pas le cas, triste vie que la mienne, je sais).

 

 

L'adaptation cinématographique, l'avis de la Luciole

Le Procès, d'Orson Welles, 1962

 

 

Edition Spéciale Prague : Le Procès - Franz Kafka, Orson Welles

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Parlons maintenant du film. Le Procès a été adapté par Orson Welles, réalisateur américain unanimement reconnu. Ne vous inquiétez pas, je vous parlerai dans la suite de l’Edition Spéciale de films réalisés par des réalisateurs tchèques, mais pour le moment parlons d’Orson Welles. (Bon en vrai, je pense que personne ne s'inquiétait:D)

Contrairement à Morgana qui découvrait l’œuvre, j’avais déjà vu et lu le Procès, mais j’ai complètement redécouvert le film. Je me souvenais d’avoir beaucoup aimé, d’images magnifiques, mais mon visionnage datait un peu et le reste était donc un peu flou … Qu’à cela ne tienne (Morgana m’a expressément autorisée à employer cette expression), j’ai revu le Procès et je pense avoir encore mieux aimé que la première fois.

 

 

Ce qui est fascinant dans un premier temps, comme dans ses autres films, c’est la personnalité d’Orson Welles. Le gars est absolument vaniteux, imbu de lui-même et tout ce que vous voulez, il n’en reste pas moins génial et j’aime beaucoup notamment la façon qu’il a de présenter le Procès.

Le film s’ouvre une histoire, présente dans le livre, la parabole dont vous a parlé Morgana. Elle est racontée par Orson Welles qui conclut par « This tale is told during a story called The Trial” ("Ce conte est raconté dans une histoire appelée Le Procès”), puis il nous annonce que cette histoire aura la logique d’un rêve … « ou d’un cauchemar ».

J’aime beaucoup cette mise en situation. Dès le début, Welles précise où on est, que c’est une adaptation, et que le film aura la logique du rêve, autrement dit, qu’il sera surréaliste. C’est plutôt sympa de nous prévenir Mr Welles ;) Au moins on est préparé, on sait où on pose les pieds, et on a déjà les premières bases pour le comprendre. Parce que comme le livre, l’adaptation n’est pas une œuvre simple et beaucoup d’interprétations sont possibles.

 

 

Il se dégage une ambiance bien particulière. La tension est maintenue tout le long du film. Dès le début, l’absurdité de la situation m’a énervée : quoi que M. K dise, les « policiers » venus le chercher retournent ses propos contre lui, ils cherchent la petite bête, si bien qu’il parait forcément coupable (de quoi, c’est une autre question…).

Car de toute façon, M. K SE SENT coupable. Il le dit à un moment à sa voisine (qu’il aime beaucoup ;) ;) ) : même enfant, quand le maître cherchait un coupable, il avait toujours la sensation que c’était lui.

Pour moi, c’est ce que le film cherche à démontrer (même si je ne m’avancerai pas trop dans mon interprétation et qu’il y en a plusieurs autres possibles). Au-delà de la parabole, qui met en parallèle l’histoire de M. K et l’histoire de ce pauvre homme qui attend devant les portes de la Loi, le film me semble montrer lui-même la condition humaine et la conscience humaine

J’avais l’impression de me retrouver dans la conscience de K, avec ses méandres, ses absurdités, ses fantasmes aussi (les femmes tiennent une place particulière dans l’histoire, et pas n'importe quelles femmes : Jeanne Moreau, Romy Schneider ... On ne se refuse rien :p).

Je ressens une certaine paranoïa de sa part, il se sent constamment accusé alors que personne ne lui a rien dit. Les policiers ne cessent de lui répéter « vous avez une raison de vous sentir coupable ? ». Je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que s’il arrêtait d’essayer de se justifier et de prouver son innocence, le « procès » ne serait pas allé aussi loin. Parce que plus il essaye de prouver son innocence, plus il s’enfonce …

 

 

C’est un film que je trouve très déconcertant, parce que je me suis retrouvée aussi impuissante que K par rapport à ce qu’il lui arrivait, alors que j’avais foncièrement envie de l’aider :D

Le tout teinté d'une critique fine de la société, c'est tout simplement parfait. En gros je trouve tout le film magistralement orchestré, les images sont magnifiques, les plans travaillés « au poil de cul » … je suis désolée je cherchais une autre formulation mais rien d’autre ne m’est venu , ce n’est pas de ma faute, c’est Orson Welles qui m’intimide, j’en perds mes mots o:), disons « avec une grande précision » plutôt …

 

Morgana lui a trouvé quelques longueurs, l'ambiance générale a finit par lui peser, elle avait envie de voir la fin arriver. Et je comprends qu'on puisse avoir un tel ressenti, pour le coup, l'ambiance est vraiment dense et oppressante, mais pour ma part, je n'ai rien à lui reprocher.

 

C’est un film qui m’impressionne tellement tant par son contenu que par sa réalisation technique que je suis à chaque fois quasiment hypnotisée devant mon écran !

 

"Je jouais l'avocat et j'ai réalisé ce film, My name is Orson Welles" (à lire avec une voix grave)

L'Edition Spéciale Prague :

 

Sommaire

A venir :

L'Autre Ville, Michal Ajvaz

Alice de Jan Svankmajer : adaptation surréaliste et un peu dérangeante d'Alice au Pays des Merveilles

Binome : Trains étroitement surveillés, de Bohumil Hrabal et son adaptation par Jiří Menzel

 

 

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