Spécial Bac #1 : Les mains libres - Man Ray et Paul Eluard
J'étais avec La Luciole lorsque, l'été dernier, j'ai soudainement décidé de faire une rapide recherche internet pour savoir à quelle sauce j'allais être mangée en Littérature cette année. Je savais que je devais normalement avoir Lorenzaccio, mais la deuxième œuvre était une énigme. Lorsque j'ai su que ce serait Les Mains Libres, au premier abord, je me suis dit « pourquoi pas ? » ; j'ai très peu étudié de poésie, donc l'idée d'étudier vraiment un recueil m'intéressait.
Puis j'ai reçu le livre.
Je l'ai feuilleté.
Et j'ai songé à mourir, là, directement.
Quand on n'étudie pas vraiment ce recueil ou qu'on ne connaît presque rien au surréalisme, autant vous dire que Les mains libres peut donner au premier abord l'impression d'être une bonne grosse blague au pauvre lecteur innocent ayant décidé de le feuilleter pour voir à quoi cela pouvait ressembler. Personnellement, lorsque je lis « La langue partit la première/Puis ce fut au tour des fenêtres » (Château abandonné), je ne sais pas pour vous, mais de mon côté ce n'est pas des plus limpides dans ma tête.
Autant j'ai presque plus apprécié Lorenzaccio avant de l'étudier, autant j'ai du me pencher très sérieusement sur Les mains libres pour pouvoir me faire un avis plus élaboré que « Euuuuuh ? » (ce qui peut être tout à fait utile si c'est cette oeuvre-là qui tombe au bac : j'imaginais déjà mes deux petites dissertations se résumer à « Les dessins sont jolis »).
Ce qui est intéressant, c'est que ce sont les poèmes d'Eluard qui sont censés « illustrer » les dessins de Man Ray. Ce genre de démarche était fréquente chez les surréalistes. On sent d'ailleurs de manière très évidente l'influence du surréalisme dans l'oeuvre : on voit bien dès le début qu'il n'y a pas une seule interprétation possible pour chaque poème, l'imaginaire du lecteur est très important (et moi j'aime m'imaginer des choses :D).
J'ai beaucoup aimé cet aspect-là : le fait que l'artiste laisse à ses lecteurs une certaine liberté d'interprétation, ne suggère que par petite touche, par image (j'ai trouvé sa poésie très « imagée », en effet : j'ai en tête le « rubis » pour décrire la bouche d'une femme et les « turquoises » pour les yeux bleus ; j'aime énormément ces passages des « Sens »).
Le thème de la femme saute de suite aux yeux : de nombreux nus féminins sont représentés dans les dessins ; par contre le besoin de l'autre, la peur de la solitude qui est exprimé quand on y prête attention ne m'est apparu évident que parce qu'un chapitre du cours y était consacré.
J'avais l'impression d'avoir affaire à une sorte de mille-feuille avec ce livre (je n'avais pas encore parlé de nourriture jusqu'ici dans cet article, je me disais bien que c'était étrange...) : lorsque j'étais contente d'avoir découvert un aspect du livre, je m'apercevais rapidement que je n'en avais saisi qu'une minuscule partie. Ne me demandez pas comment je vais faire pour mes révision, au moment où j'écris, j'ai opté pour la technique du "on verra le moment venu". Au pire je dirai que les dessins de Man Ray représentent Florence et que les femmes montrent son obsession pour la marquise Cibo, car il aurait voulu être le Duc Alexandre mais qu'il hésite car il sait qu'il meurt à la fin et que c'est pourquoi il y a plus de paysages dans la deuxième partie que dans la première (cf Lorenzaccio) (en gros je suis vraiment désespérée, oui).
Le fait que les dessins soient là est selon moi une grande aide pour comprendre l'articulation du recueil. Du moins, personnellement, j'étais ravie que ce recueil soit basé sur des dessins car c'est en pensant à ceux-ci que les poèmes associés me reviennent. Je commence toujours à penser à l'ordre des dessins avant de penser à l'ordre des poèmes, alors que ce sont ces derniers qui sont systématiquement nommés (les dessins n'ont pas tous des noms, mais lorsque c'est le cas, ce brave Eluard, a repris les titres donnés par Man Ray, et je l'en remercie - même si c'était dans la logique de la création du recueil, avouons-le). Les ensembles poèmes/dessins n'ont pas été placés selon leur ordre de création, mais disposés de manière à créer une véritable trame narrative. J'ai fini par me prendre au jeu et relire plusieurs fois le recueil pour découvrir les ensembles ayant des liens entre eux et montrant une évolution de certains thèmes.
En somme, j'ai vécu avec Les mains libres l'expérience pour ainsi dire contraire de Lorenzaccio. Aujourd'hui, j'apprécie vraiment le recueil et je suis ravie d'en avoir appris plus sur le surréalisme, les deux auteurs, les thèmes qui leur sont chers ; il m'arrive régulièrement de rouvrir le livre pour relire mes poèmes préférés (c'est absolument charmant, je sais).
Je ne trouve pas que ce soit une œuvre évidente, loin de là, mais intéressante, sans hésitation.
Cette année, le Bac L c'est aussi :
Madame Bovary : binôme : l'avis sur le roman de Flaubert et sur l'adaptation cinématographique de Vincente Minnelli.